▶ Enfance (+) Innocence

T'es né en Angleterre, en plein coeur de Londres, un jeudi soir. Y'a pas grand-chose à ajouter, t'as toujours été aimé de tes parents, et t'as toujours été aussi bizarre que maintenant. Peu enclin à fréquenter les filles et les garçons de ton âge, tu restais dans ton coin à bouquiner ou dessiner, refusant les invitations à jouer ou fixant simplement les autres de ton regard si particulier, l'oeil vert et l'oeil gris les dévisageant jusqu'à ce que, de peur ou d'ennui, ils te laissent tranquille. Tu ne comprenais pas ce monde qui t'entourait et qui était si différent que toi, tu ne l'as jamais compris.

Faire comme tout le monde n'a jamais été aussi facile qu'en était un enfant.

▶ Adolescence (+) Décadence

Un caméléon. A l'époque déjà, tu étais un véritable caméléon, plus qu'aujourd'hui. Si les premières années de l'adolescence se sont bien passées, plus tu grandissais et moins tu te cachais, n'en ayant plus rien à foutre de passer du côté des weirdos. T'as commencé à fumer pour échapper à ce monde pourri, puis à boire, et plus ça allait, plus la liste des substances illicites que tu ingérais s'allongeait. Quel scandale ça a été, lorsque tes parents s'en sont rendus compte. Tu ne comprends toujours pas, à l'heure actuelle, pourquoi ils ont réagi ainsi, ou même pourquoi tout le monde trouve que c'est scandaleux et dangereux.

Plusieurs fois, tu as pourtant failli y passer, plusieurs fois tu t'es retrouvé à vomir tes tripes dans des allées sombres en pleine nuit, et plus d'une fois le lavabo a recueilli ton sang. Stéréotype de l'ado mal dans sa peau, personne ne comprenait pourquoi. Pourquoi. Pourquoi ? La question revenait sans cesse, sans que tu n'y apportes de réponse. Ce n'était cependant pas si compliqué. C'était si limpide, ça l'était tellement qu'elle leur filait entre les doigts sans qu'ils ne puissent les refermer et l'attraper une bonne fois pour toutes.

Et puis, un jour, ils en ont eu assez. En désespoir de cause, tu as été envoyé dans un autre pays, dans de la famille à ta mère, tout le monde espérant que cela te calmerait. Que nenni. Pas les premiers temps, en tout cas, te cacher était juste devenu plus simple.

Et puis, peu à peu, tu t'es assagi. T'as trouvé un substitut, un truc qui te faisait vibrer autant que la merde que tu fumais. La bande-dessinée.

▶ Maturité (+) Vanité

Ca t'est venu en lisant de vieux comics trouvés dans le grenier de ton oncle, un jour où tu voulais te déchirer pépouse. T'en as lu un, puis deux, puis toute la collection. Comme tu avais arrêté depuis longtemps, ça a été dur de reprendre mais tu as recommencé à dessiner et à inventer des histoires. Très vite, tu as décidé de reprendre tes études et d'arrêter de travailler comme tu le faisais pour avoir ton indépendance, t'as intégré une école d'art et t'en es ressorti quelques années plus tard avec le diplôme en poche.

T'as commencé en autodidacte, et puis petit à petit, tu t'es fait un nom. Un one-shot par-ci, une illustration par-là. T'as fini par te faire éditer, et là, ce fut la consécration.

De fil en aiguille, de rencontre en rencontre, tu t'es retrouvé à enseigner quelques trucs à droite à gauche et, étonnament, ça a fini par te plaire. Tu t'es rendu compte que ces personnes vivaient dans ton univers, leur présence ne t'était pas insupportable. En un sens, elles te comprenaient un peu.

C'est ce qui t'a motivé à travailler à l'académie Blackwell.

Tout en continuant tes affaires de ton côté, tu as commencé à enseigner - et ce travail-là te plaît. Il te plaît vraiment. T'évites toujours autant que possible le contact avec les autres, les jours ne sont pas tous faciles, mais tu t'accroches.

Tu gères toujours aussi mal le stress, retombant parfois dans tes anciens travers, mais tu t'en sors plutôt bien.